Deux jours.
Hélios se faisait littéralement chier, et ça, ça n’était jamais bon pour personne. Dans la pièce où se rassemblaient la plupart des membres de BOOM lorsqu’ils avaient besoin de programmer leur journée ou, en des temps plus durs, leurs missions périlleuses, il y avait ce canapé délabré et déchiré partout. Et, sur ce canapé en piteux état, il y avait ce corps vaguement humain qui semblait inapte à se déplacer autrement qu’en rampant ou encore de réfléchir à autre chose que la façon de s’allonger pour dormir le plus longtemps possible. Il mâchait un chewing-gum volé à riche type qu’il avait croisé la semaine dernière - le dernier d’un paquet déjà bien entamé, et il avait déjà perdu son goût depuis une bonne heure au moins.

Ce n’était même plus une question de nourriture, plutôt une façon d’occuper sa bouche histoire d’éviter de sortir ses habituelles conneries. Dès lors qu’il avait expliqué cette démarche à ses confrères, il avait reçu des paquets de chewing-gum de leur part toutes les semaines. Le soucis, c’est qu’il commençait vraiment à en manquer, et sa langue le brûlait toujours plus. Passer quelques minutes avec Hélios suffit à vous faire comprendre qu’il n’arrive jamais à se calmer - et lorsque vous commencez à penser que les choses sont calmes, c’est qu’il ne va pas tarder à intervenir. C’est sûrement pour cette raison que, dès l’instant où il s’était redressé sur le canapé sur lequel il était affalé depuis des heures, la moitié de la salle s’était barrée dans la pièce voisine pour continuer leurs affaires.

Hélios renifla. Ce genre de choses faisaient parti de son quotidien, et à force d’habitude, il avait finit par s’en foutre. Il savait que ces taquineries n’étaient pas sérieuses, et puis, il avait bien cherché. Parfois, il se demandait comment ses camarades arrivaient à le supporter, mais il se moquait bien de leurs états d’âme - il s’était toujours dit que, s’ils avaient un problème avec lui, ils n’auraient qu’à lui en faire part. Peut-être que son semblant de maturité le ferait arrêter ses conneries, dès lors qu’on aurait mit les choses au clair - toujours est-il que, actuellement, l’unique personne à appliquer cette façon de faire était celle qui prenait le plus cher avec Hélios.

Rheïa n’était pas sortie depuis deux jours, et en un sens, c’était mieux pour elle. Chaque fois, elle envoyait le jeune homme bouler, chaque fois, il revenait plus chiant. Il fallait l’avouer, dès lors que l’aube du second jour s’était pointée, elle avait commencé à lui manquer - ou plutôt, la faire chier avait commencé à lui manquer. Hélios se relevait, mit quelques instants à se mettre en route, les jambes engourdies, et prit la direction des vestiaires. Le jeune homme était parfaitement conscient des risques qu’encourait une telle connerie, mais il s’en moquait : se faire chier à ce point, c’était tout simplement inhumain.


Il frappa à la porte du vestiaire, avec une dernière grimace pour le Stitch méchant grossièrement dessiné à côté de l’avertissement sur la porte - comme si quelque chose d’aussi ridicule allait faire peur à quelqu’un. La vérité, c’est que Rheïa s’en chargeait, tout du moins, pour la plupart des membres - mais ça fait bien longtemps que croiser le regard furieux de sa chef avait achevé d’intimider Hélios, peut-être parce que, idiot qu’il était, il préférait attarder ses yeux sur le corps à moitié dénudé de Rheïa. Encore une fois, il la détailla de haut en bas, ce même sourire au coin des lèvres, n’ayant absolument pas réfléchi à une explication.

« Tu fais quoi là-dedans, Rheïamour ? C’est toi qui a pris tous les films pornos qui étaient dans l’armoire ? J’espère que t’es habillée, j’entre pour les reprendre. »

Il poussa un peu plus la porte, assez pour se glisser dans l’entrebâillement et entre dans la pièce. Il n’a plus peur Hélios, tant il a prit des coups. Il contourne les règles qu’il juge inutiles, se moque des plus importantes alors qu’il est le premier à les respecter. Le seul problème, c’est qu’il fait lui-même le tri, jugeant en l’occurrence qu’il pouvait entrer ici s’il le voulait. Satisfait, Hélios balaya son regard sur les alentours, surpris comme toujours de l’aménagement des vestiaires par sa leader. Il glissa sa langue sur ses lèvres et partit s’étaler dans un fauteuil, dans un coin de la pièce, observant Rheïa avec une expression suffisante - qui n’allait pas tarder à être entachée par les hématomes qu’elle lui collerait dans la minute.

« Je t’ai laissé un mot sur la porte hier. Tu l’as pas vu ? J’ai attendu toute la nuit que tu viennes me rejoindre et j’ai fini par ne pas dormir, maintenant tous les canapés sont pris et je peux plus rattraper ma nuit. J’suis obligé de squatter sur ce siège, tu m’en veux pas ? Non, parce que je compte pas faire de bruit, et si tu bosses sur un truc ultra secret, je regarderai pas. Mais dans ce cas, aide-moi à résister à la tentation et mets une veste, parce que, je garantis pas de pouvoir tenir. »

Et ça finit par devenir une habitude.