Bon.
Tu ne savais pas vraiment ce qui allait t'attendre ce soir. C'était un peu hasardeux, comme d'habitude, pour être honnête. Tu étais comme ça, Yzir, spontanément stupide. Alors oui, quand Joe t'avait proposé un autre coup, tu avais accepté -bien que tu ne saches pas vraiment pourquoi tu as dit oui.
Quoi que, si, bien sûr que si, tu savais. C'était pour garder ton menton haut. Pour ne pas être traité de peureux, de mauviette, de tapette. Mais il fallait être honnête, Howl, t'étais pas très rassuré, là, maintenant.
En fait, la réelle question, c'était pourquoi est-ce que Joe voulait toujours faire équipe avec toi. Bien évidemment, ce n'était pas le genre de pensées qui traversaient ton petit cerveau, non. C'était tellement logique dans ton esprit, que tout le monde veuille faire équipe avec toi, que c'était désuet rien que d'y penser. Ridicule.
Mais bon, t'as quand même faillit faire foirer les deux derniers plans. Bah. Ce n'était pas ta faute, comme d'habitude. Bien évidemment que ça ne pouvait pas être ta faute.
Et donc, puisque tu avais toujours tout bien fait, tu étais là. A l'attendre. Sur un toit. Le quartier de Ryld s'étendait sous tes pieds -enfin, pour être plus correct, à trente centimètres de tes pieds. Tu préférais prendre tes distances du bord, sait-on jamais, ça serait quand même une horrible fin que de finir écrasé par terre après une chute.
T'imagines.
Avoir un cadavre défiguré. Eurg.
Tu frissonnes, à savoir si c'est à cause de ta pensée ou de la température. Il ne fait pas froid, mais comme à ton habitude, tu es plutôt délicat et ta combinaison de super-méchant ne te tient pas très chaud -une couche de lycra, c'est à peu près tout ce que tu as sur toi. Excepté ton masque -celui d'un catcheur mexicain, rouge et blanc, sans aucune logique. Enfin. Tu te demandais quand est-ce que Joe allait se montrer, parce que quand même. On ne te faisait pas patienter.

Ah. En parlant du boulet, le voilà qui arrive en se foirant. Ça annonçait la couleur, comme on dit.
Tu ne sais pas vraiment ce que tu penses de l'énergumène, pour être honnête. Il n'est pas méchant, non, mais il insinue bien trop de fausses choses sur toi pour que tu l'aimes bien -t'es pas un lâche, tu ne veux juste pas te rabaisser à faire les choses trop faciles qu'il te demande de faire parce que quand même. Faut pas abuser, t'es un super méchant, toi, pas la nounou de mamie. Oh, et puis, à la fin, t'en penses rien, de ce type. De toutes manières il ne t'arrive pas à la cheville, alors à quoi bon.
Enfin, il t'atteint, se la joue cool en te tapant l'épaule -que tu retires vivement, non mais oh, on ne te touche pas sans ton accord. Il commence à se la raconter, et ça te les brises grave. T'aimes vraiment pas les vantards, c'est fou. Comme toute réponse, tu te contentes de baisser la tête vers lui et d'hausser les sourcils -tu sais qu'il ne peut pas les voir, ni même tes yeux, mais il pourra sans peine deviner ce que tu penses de par ton attitude. Blasé, ouais. Mais ça ne valait pas la peine d'user de ta précieuse salive.
Tu le regardes faire son noeud et descendre sans aucun problème avant de le suivre -en ayant revérifié le noeud, non parce qu'on sait jamais, Joe c'est un vantard de toutes manières. Rien dans le cerveau. Tu le suis quand même, écoutant ce qu'il a à raconter -blablabla -, attentif. T'étais pas contre une rentrée d'argent prématurée. Euh, pas que tu sois pauvre nan loin de là, les pauvres c'est des loosers. C'est juste. Oh, zut, hein.
Une fois rentré dans le salon, tu vois que c'était tout de même une bonne cible -si on enlève le chihuahua de garde que Joe a déjà capturé. Trop facile.
Tu t'apprêtais à regarder un peu plus en détail les objets présents quand. Quand. il. te. donne. un. ordre.
Pire. Il te traite de chien.
Tu tournes ta tête vers lui, la baisse, hausse de nouveau les sourcils. Tu rigoles, là, mec. Et puis tu as une idée -une idée de génie, comme d'habitude, bien évidemment. Tu cherches le ruban, en enlève un bout que tu colles sur la bouche de Joe. « Tiens, ça t'aidera à te noyer dans ta salive. » Et à ne plus me donner d'ordre. Tu soupires et t'atèles tout de même à la tâche qu'il t'a confié, parce que bon, un chihuahua qui jappe c'est pas non plus super. Tu coupe un deuxième bout, que tu mets sur la bouche du chien -pas sur le museau, tu veux pas d'un mort sur les bras, brr. Ah, t'as rempli ta mission. Ça c'était quelque chose. Tu fais d'ailleurs comme si de rien n'était, comme si tu n'avais pas scotché ton partenaire, sachant pertinemment qu'il allait répliquer. Mais bon. On ne te donne pas d'ordre, et, si déjà, t'étais un chat.
C'est beaucoup plus mignon.