Il sourit. Il te raconte des mondanités -enfin, pour être honnête, tu ne fais pas très attention. Tout ce que tu entends, c'est que tu as raison. Encore une fois. Et puis il rit, c'est léger, doux à l'oreille, un peu clair, aigu, et rassurant chaleureux. Le voilà plus .. humain.
Ils sont comme ça, les humains. Plus proches, avec moins de barrières, du moins à ton goût. Tu aimais bien ça, cette proximité, cette attitude sans gène, les cérémonies qu'on arrachait de leurs piédestaux et cette indifférence, au fond. C'était assez. Etrange, mais sûrement pas déplaisant.
Un coup dans les côtes plus tard, il t'invitait. Enfin, inviter. En réalité, c'était plus un ordre, mais qu'importe. Dans ta tête, ca signait ta victoire. Idiot. Idiot, qui, bien évidemment, accepte.
Maintenant, tu étais sûr qu'il t'appréciait -enfin, ça tu le savais avant même de connaître son existence, bien sûr. Tu le laissais te montrer le chemin, toujours torse nu, mais qu'importe. Vous ne parliez pas vraiment, à vrai dire tu ne savais même plus pourquoi tu le poursuivais au début. Ah, si. Le tableau.
Vous arrivez doucement devant chez lui. Le quartier Ryld. Tu y avais déjà fait quelques escapades en tant qu'Howl, mais ça ne t'avait pas plus intéressé que ça. Maintenant, tu regardais les résidences d'en bas, cherchant quoi que ce soit pour t'occuper jusqu'à ce qu'enfin vous rentriez chez lui. Lui. Tu ne connaissais même pas son nom. « D'ailleurs, c'est quoi ton prénom ? » Tu te rappelais d'un vague nom que le professeur avait dit, mais toi et la mémoire, ça faisait deux -surtout si ça ne te concernait pas.
« Et maintenant qu'on est là, tu peux m'dire pourquoi t'as rien peint, hein. Y a personne pour entendre. » Clin d'oeil. Ouais, tu étais toujours persuadé que ça allait enfler ton ego, et à vrai dire, tu n'avais pas l'intention de lâcher l'affaire s'il disait quoi que ce soit d'autre. Pauvre petit homme.

C'était .. vide.
Triste. Gris. Ni noir ni blanc, malgré la lumière qui rentrait par la fenêtre; et même si l'appartement était bien trop monotone pour toi, il fallait avoir qu'avec une telle vue sur la ville, on pouvait parfois se sentir maître du monde -pas que tu aies besoin de ça, toi. Les murs nus semblaient pleurer en silence, les uns collés aux autres, et tout ce qu'il y avait dans cette pièce où tu te tenais, c'était une table et une chaise. Comme s'il ne recevait jamais de visite.
Triste, oui, c'était le mot. Enfin, surtout quand on le comparait à ton appartement, rempli de posters de toi-même -mais ça ...
Pourquoi je n'ai pas voulu te peindre... ? Tu te retournes vers lui, forcément, pour voir son joli visage quand il avouerait enfin. Mais ce que tu vois, c'est autre chose, c'est dérangeant. Il n'est pas comme avant, il a cette chose au fond du regard, comme s'il avait hâte. Pas que ça te dérange, d'habitude, mais. Il y avait un mais; comme une alarme qui sonnait dans ta tête en te criant de faire attention à ta propre survie. Et puis il bouge, te plaque contre la seule chaise de la pièce, et tu oublies bien vite cette ancienne crispation qui, de toutes manières, ne rime à rien. Ce n'est qu'un innocent humain.
Et tu sens la lame, contre l'os de ta mâchoire. Il fait le tour, glisse, vole dans les airs; c'est rapide et lent, mélancolique, plein de patience et d'envie.
Un innocent humain.
Il te murmure les réponses dans ton oreille, comme toi tu glissais des commentaires joyeux encore quelques minutes auparavant; il les dit à la manière de mots doux doux glissant joyeusement jusqu'à ton cerveau. Matt.
Et tu sens la lame, sur ta gorge, et tu penses un instant à lui attraper le poignet et le faire passer par-dessus toi en un même mouvement mais non non non. T'as trop peur t'as trop peur, alors tu restes là, immobile.
Et tu sens la lame, sur ton buste, et tu penses un instant à crier crier tellement fort que ses tympans éclatent mais non non non. T'es pas un assassin. Et puis, surtout, t'as toujours trop peur. Alors tu fais dans l'humour, dans ton humour à toi, jamais drôle, mais qui t'aide déjà un peu plus à respirer. « J'savais que c'était pas moi le problème. »
Et, oh, tu aimerais tellement retourner à cet instant où ton seul soucis était une toile blanche, tu aimerais tellement que ce ne soit qu'une blague, tu aimerais tellement ne pas être tombé sur un malade.
« Mais tu sais, c'est pas très malin d'abîmer ma peau. Elle doit au moins valoir un demi million. » Tu parles tu parles tu parles comme toujours quand tu as la peur au ventre, comme toujours quand tu sèches quand ton cerveau ne veut plus suivre. Alors parles, Yzir, parles tant que tu le peux encore, mais n'attend pas trop de coup du sort.

« Je suis une célébrité. »
C'est tout ce qui te vient, là, sur le moment. Tu sens les brûlures que laisse la pointe, le fourmillement qui suit le trait de la lame, tu entends presque le crissement de ta peau qui hurle hurle hurle. Putain. Ça va laisser des traces, ça, non ?
Non, tu ne penses à rien de plus grave, genre il pourrait me tuer en deux secondes, non. Trop terrifiant, trop terre-à-terre, trop vraisemblable. T'as peur, toujours. Tu mens, toujours. Et tu souris. Il lève sa lame, et toi, tu renverse ta tête. Ton cou est en évidence, et tes yeux droit dans les siens. Tu es neutre, dans tes pupilles; il n'y a ni bonheur ni amusement. Pas même de la peur, mais c'est ton sourire qui trahit ça. Qui trahit ta peur, et le toi tellement humain qu'il y a au fond.
Tu vois son bras qui démarre et non non non nonnon tu ne fermes pas les yeux tu le regardes toujours lui et son air tranquille et son assurance époustouflante tu ne comptes pas les secondes mais tu les sens dans tes os dans ta chair dans ta moelle tu te figes et tu attends. Tu attends. Parce qu'à la fin, c'est la seule chose que tu sais bien faire.
Et puis tu sens, la pointe, juste la pointe sur ta pomme d'Adam. Ton sourire se défait, et c'est toi maintenant, qui a l'air si fragile. Humain, de manière si dérangeant.
Il s'en va. Tu ne comprends pas. Tu ne comprends pas ne comprends pas alors tu restes comme ça, braqué en arrière, toujours aussi brisable. Il rit. Et chaque onde se fracasse sur ton cœur comme les vagues qui se défoulent sur le sable; ça te remue au fond de tes entrailles, ça te fait frissonner au fond de ta colonne vertébrale. T'y as cru hein ?
Oui, t'y as cru. Oui. Et tu aurais juré que ce n'était pas de la comédie, tu aurais juré qu'il avait ce qu'il fallait dans les mains dans les yeux dans les tripes. Tu te redresses, le regardes. Pause. Tu baisses tes yeux vers ton buste, et tu vois de fines boursouflures en cours de guérison. Rouge. Tu vois rouge.
Il t'a abîmé.
Ça va vite vite tu te lèves et tu le prends par la gorge tu le plaques contre le mur et tu rugirais presque; mais finalement tu fais comme lui. Tu parles doucement, fermement, avec ces yeux revolvers mais ta bouche droite droite sans sourire. Parce que ça, ça ne te fais pas rire.  « Écoute, mon trésor. Tu vas aller me chercher de la crème, et tu vas faire en sorte qu'on ne voit plus rien. C'est compris ? » Tu appuies un peu plus sur sa jugulaire avec tes quatre doigts, avant de le relâcher, et puis tu attends, devant lui. Attendre, encore. La seule chose que tu sais faire, disions-nous, mais peut-être t'es-tu découvert un nouveau talent dans la menace. Qui sait.

Spoiler:

Tu lances ton regard de tueur après sa première remarque -pas celui des magasines, non, celui que tu ne savais même pas posséder, et le fait est que tu trouves ça plutôt cool. T'es pas un mec méchant, même si tu joues au bad guy, à la fin tu fais de mal à personne -tu les emmerdes, ça oui, mais la vantardise n'a jamais blessé ou tué qui que ce soit.
Mais s'il y a une chose qui te met vraiment en colère, c'est bien évidemment quand on s'attaque à ta si adorée enveloppe physique. Tu la soignes, la bichonne chaque matin -et chaque soir, d'ailleurs-, c'est sûrement pas pour que des imbéciles dans ce genre te réduisent tout ça en miette. Alors oui, ça t'énerves, ça te met hors de toi. C'est sûrement la seule chose capable de te faire sortir de tes gonds, soit dit en passant.
Tu t'assoies sur la table en attendant qu'il revienne. Tu passes tes doigts sur les traces que l'on ne voit presque pas, mais toi toi tu les sens. Elles te brûlent, comme pour signaler leur présence, comme pour dire que tu n'étais plus parfait. Et ça, oh ça, ça n'allait pas. Absolument pas.
Il revient, avec tu-ne-sais-quoi dans ses mains, mais qu'importe. Tu veux juste que ça parte, pour toujours. Il se permet un autre commentaire, avec cette ironie salée, mais tu ne souris plus. Tu le prends par le col, le rapproche, profitant de la distance pour asseoir ta supériorité. « Si tu proposes si gentiment. Ça te permettra de te faire pardonner, tiens. » Et là, maintenant, tu vas mieux. Tu sais que tu vas guérir. Tu sais que ça partira. Tu sais que tu sera intact. Et, oh mon dieu, c'est tout ce qui compte. Tu soupires, et souris, en même temps que tu le lâches, rompant la proximité de vos deux corps. Un poids s'en va.

J'ai juste pu voir ton courage dans toute sa splendeur. Echo, dans ta tête. T'es pas courageux. Tu le sais. Mais tu caches tu mens tu triches et tu voles les moments glorieux aux autres, tu les racles de leurs supports les emportes les avales les engloutis d'un coup, goulûment. T'es pas un héros. T'es même pas capable d'être un méchant. Et surtout, t'es encore moins capable de te regarder en face. Oh, Yzir. C'est un peu bizarre, non, pour quelqu'un qui passe son temps devant le miroir.
« Te faire pardonner, oui. J'ai risqué ma carrière, là. » Encore un sourire qui flotte sur tes lèvres; léger léger tu n'étais même pas sérieux. C'était un peu étrange, ces phrases qui sortent sans être pensées, qui parlent de toi mais sans que tu ne le veuilles vraiment sans que tu ne veuilles être le centre du monde. Tu es à l'aise.
Et il défait le bouchon, sort doucement la si attendue crème divine et te masses. Tu es content. Tu es supérieur, et oh tu en profites, la tête de nouveau en arrière, lèvres entrouvertes, tu joues avec ta canine de ta langue, lascivement, en regardant son visage concentré. Ses doigts galopent encore sur tes petites plaies bientôt disparues mais ah, tu n'as pas envie que ça s'arrête.
Et pourtant, brusquement, plus rien. Il tape sur la table, et tout ce que tu vois, c'est ses joues teintées de rouge et encore ce refus de la réalité.
Tu le savais, que tu lui plaisais, voyons. Tu l'avais dit dès le début; trop fort.
« Mmmh. Ça serait bête de partir maintenant, non ? » Tu te relèves, te rapproches, passe ta tête dans le creux de sa nuque. « Ça devient à peine intéressant. » Et tu mordilles la peau sensible de son cou, seul contact, t'attendant à un retour de flamme des plus violents. Qu'importe. Tu avais eu vraiment peur, mais maintenant, tu étais convaincu qu'il ne pouvait pas te tuer -mais c'était étrange, cette sensation. Tu ne savais pas s'il ne pouvait pas car il était simplement innocent ou bien parce qu'il avait un blocage; alors tu avais encore ce ressentiment au creux du dos mais. Mais. Tant pis, oh, tant pis.

T'as toujours aimé le contact. Sentir les gens autour de toi, là, présents, rassurants, c'était ce qu'il te fallait pour être bien. Et puis, après, ça ne te suffisait plus. Tu voulais plus, toujours plus, affamé d'affection d'amour peut-être aussi, et puis tu as sûrement dû décider à un moment ou à un autre que personne ne t'aimera jamais autant que toi-même. Alors oui, tu as commencer à t'aimer, quitte à en devenir écoeurant. C'est ce qu'il te fallait pour être heureux. Parce que les autres n'étaient jamais assez. Parce qu'ils s'en allaient tous un jour ou l'autre.
Et lui aussi, il s'en va, te glisse entre les doigts -entre les dents, pour être précis. Il est toujours aussi rouge, peut-être même plus, avec ces yeux comme étonnés écoeurés affamés ? Oh, mais qu'importe. Toi, tu penses à la marque qu'il y a dans son cou. Ta marque, à toi. Juste à toi.
Parce que ça ne m'amuse pas. Parce que tout bonnement écœurant. Boum.
Non non non Yzir voyons ce n'est pas vrai. T'es parfait t'es parfait t'es gentil et adorable et tout le monde t'aime voyons et puis oh qu'est-ce que tu en as à faire, de toutes manières. Tu t'aimes assez pour tout le reste du monde.
« Ah oui ? Alors, dis-moi, pourquoi tu m'as invité ici ? » Tu regardes un peu les alentours, mais ces pièces sont toujours aussi froides, toujours aussi vides. « Et puis, pourquoi tu rougis ? » Tu es dos à lui, parce que tu ne veux pas qu'il voit ton sourire, ah non, tu voulais qu'il se l'imagine et qu'il s'étouffe dans son énervement qu'il bafouille qu'il s'emmêle et qu'il se crashe. Même si tu doutais de ta réussite.
Oh, et puis, s'il te détestait tellement, il t'aurait donné un t-shirt et t'aurait mis dehors.

Ah. Tu sens ce silence.
Il glisse sur la surface de l'air, doux et complet, il roule dans tes tympans dans tes oreilles, sonne comme une douce mélodie sans notes dans ta tête.
Il ne sait pas quoi dire.
Victoire. Et ton sourire s'agrandit, oh, parce que c'est une victoire sans égale. Tu te sens grand fort imposant indestructible. Ah, tu es très loin de partir, dommage pour toi, Matt. Tu te retournes juste quand il te lance le coussin, que tu stoppes par réflexe -classe inné, bien évidemment. Le chaton est en colère, encore. A vrai dire, il l'a été depuis le début de votre rencontre, c'est dire. Il serait temps de se calmer, non ? Il te sort une excuse débile sur les hormones; ah, si c'est sensé expliquer tout ça, c'est raté. Mais toi, tu n'as pas raté cette réplique, et tout ce que tu comprends, c'est qu'effectivement tu lui plaît. Tu sens de nouveau cette vague de chaleur tellement apaisante qui coule dans tes veines, ce manteau d'apaisement qui rend tes battements de cœur plus forts plus réguliers. Tu te sens vivant.
Tu vas rester seul toute ta vie parce que personne ne t'aime, sauf toi. A un moment de ta vie, ça t'avait légèrement dérangé, oui. Mais plus maintenant. De qui a-t'on besoin d'amour, de toute manière, si ce n'est de nous-même ?
« Me dit le gars le plus seul de la planète. Peut-être de la galaxie, tiens. » Tu tires la langue. T'es toujours pas sérieux -ou peut-être que tu ne l'es plus, qui sait. « Mais au moins, je suis honnête, moi. Je ne me cache pas derrière des excuses débiles. » Ah, ça oui, tu t'assumes. Tu assumes te trouver merveilleux, tu assumes t'aimer, tu assumes te sentir bien dans ta peau. C'est si mal que ça ?

Spoiler:

Il est juste là, debout. Face à toi, la tête haute, le menton en avant, les traits détendus et cette flamme dans les yeux. Ça t'a toujours fasciné de voir que les humains avec cette même prédisposition à la colère que vous, à cette rage sans limite, à cette destruction stupide qui menait petit à petit à votre perte. A tous. Il faut croire que ça caractérisait chaque espèce capable de penser par soi-même; à moins que ce ne soit cette rage, le cataclysme de départ menant à cette évolution tant attendue ? Qui sait.
Et pourtant, il était juste là, plus calme. Il la maîtrisait, sa colère, même si elle était retombée. Tu ne comprenais pas les gens qui se contrôlait. Pourquoi cacher qui on était ? Bon, certains sont de sacrés psychopathes, mais ce n'est pas en reniant son feu intérieur qu'on apprécierait vivre. Autant crever tout de suite.
Il revient à la charge, comme attendu, et il y a de nouveau cette si courte distance entre vous, oh, et tu sais qu'en une seconde l'un pourrait attraper l'autre et le mettre à genoux. Tu te sens comme en équilibre, chaque moment qui s'écoule menaçant de te faire t'écrouler. C'est drôle, comme sensation.
« Mon dicton me dit que pour se faire aimer, il faut d'abord s'aimer soi-même. » T'es pas un philosophe, Howl; tu dis juste ce que tu penses, dans un de tes rares moments d'honnêteté.
Tu l'entends continuer sur sa lancée, langue de vipère qui appuie ses mots sur ton ventre -oh, pardon, sur tes abdominaux- et cette fois, tu ne te contentes pas d'une oreille distraite, non, tu écoutes. Tu redescends aussi à son niveau, ton front sur le sien, tes pupilles assassines dans les siennes, en flammes. « Qu'est-ce que j'en sais, de tes mensonges. J'ai juste parlé des miens; ça devrait pas t'étonner, si ? » Et tu souris dans ta démonstration d'autocritique, sauf que tu n'as jamais caché cet égoïsme à tout épreuve. « Mais ça semble assez te perturber pour en parler avec moi. Vas-y, si tu veux. Je suis pas le genre de mec à raconter des secrets -tu sais pourquoi, mmh. » Bien évidemment. Parce que tu ne parles que de toi. Et puis, finalement, tu rajoutes d'un ton plus léger, en chuchotant : « Ah, et puis. Il paraît qu'il faut pas résister à ses hormones. » Sourire d'enfant amusé.

Ah, ces yeux. Ils glissent dévoilent dévorent des couleurs qui n'existent pas des cellules inatteignables pour elles mais oh, il y a ces longs doigts d'os et de chair qui grattent ta surface, eux, qui s'invitent chez toi, sur ta peau sur ta viande, réceptacle. Tu ne souris plus, non. T'apprécies les caresses, les chemins sinueux de ses empreintes sur ton épiderme, de tes épaules à ton abomen; ah, c'est lent lent trop lent mais trop rapide aussi, comme de la fumée dans le vent. On saura que c'était là, mais il n'y aura aucune preuve; et peut-être même que certains n'auront pas eu le temps de bien la voir, de bien la comprendre.
Tes yeux de fauve ne lâchent pas les siens, affamés, jusqu'à ce qu'il rompe le contact de lui-même. Il repart, pas très loin mais suffisamment pour que tu laisses échapper un grondement félin de mécontentement. Ah. Dire que tu y étais presque. Frustration.
J'suis pas comme ça. Ouais, t'es peut-être pas comme ça. Peut-être. Et alors ? C'est peut-être pour ça que t'es si mal, Matt. Peut-être pour ça que c'est le bordel dans ta tête.
« J'aurais proposé. » T'as ce regard étrange, désillusionné; pas triste mais sans foi. « Mais j'ai juste une dernière question. Tu veux toujours que je parte ? » Ton visage ne laisse rien voir de ton amusement -parce que bon, faut pas déconner. T'allais pas partir alors que t'étais si avancé dans la partie, alors que tu avais presque déjà gagné. Tu voulais qu'il craque, et s'il ne le faisait pas de lui-même, tu l'aiderai un peu. Tu ne doutais pas un instant de ta réussite, mais peut-être aurais-tu dû être moins confiant, qui sait. Ce mec n'a pas l'air d'être une proie comme les autres -trop taré. Ah, qu'est-ce que tu fous là, Howl.

Il ne répond pas. Evidemment qu'il ne répond pas.
Tu le savais dès le début, mais tu avais un peu d'espoir qu'il soit franc soit à sa tête soit à ses hormones comme il dit. C'aurait été tellement plus amusant. Mais, à vrai dire, la situation n'était pas si dénuée d'intérêt, oh non. Tu avais posé ton ultimatum. Qu'il avait pris en pleine figure, d'ailleurs -et ah, tu sens encore cette supériorité débile qui ne veut rien dire mais qui te fait tellement de bien. Tu l'avais regardé s'échapper pour se réfugier près d'un coussin. Un coussin. Pfeuh. T'étais bien mieux foutu qu'un simple coussin -tu comprenais pas ce mec, définitivement. Bah. C'est ce qui rendait la chose pleine de challenge.
« Nan, j'partirais pas, t'as raison. » Tu admires le sourire qu'il t'offre, et c'est là que tu te rends compte qu'il s'amuse, et ça. Ça te réchauffe encore un peu -non non non, tu savais que tu n'étais pas bon à rien, Yzir.
Et parce que tu savais aussi qu'il n'était pas logique dans ses propos. T'étais pas très futé, ça fallait l'avouer, mais quand il s'agissait de toi ou de ta fierté, magie, c'était comme tu avais le q.i. d'Einstein -enfin, un mec du nom du genre, c'était un humain, tu pouvais pas vraiment t'en rappeler parfaitement. Et là, il y avait illogisme, que tu allais bien évidemment souligner avec délice. « Mais si tu voulais vraiment pas de moi, t'aurais répondu sans broncher. Aller. Avoues. Ça fera de mal à personne et, qui sait, peut-être qu'après je m'en irais. » Tu dis ça avec nonchalance, appuyé sur la table, à un bon mètre de Matt; inquisiteur le dépassant de toute ta hauteur.

C'est qu'elle était confortable, cette table.
Tellement que t'aurais pu rester ici des heures, que dis-je ! des jours. Même si on se doutait que la table n'y était pas pour grand chose.
Et, comme prévu, c'est lui qui vient à toi. Victoire d'une bataille, toujours plus importante que la précédente. Ça n'en devient que plus dur de se contenter de gagner, parce que toi, tu veux l'écraser de ta hauteur de ton être parfait de cette ego qu'il dit tant haïr. J'te l'accorde. Mots crachés vomis écorchés mais tellement doux pour ton âme au fond de ton toi qui ronronne encore à chaque chose que tu prends pour une flatterie. Idiot.
« Tu décris plutôt bien la situation. Moi, ça me va. » Même si, en réalité, tu trouvais que "attendre" était un mot barbare pour cette situation. Tu n'attendais pas. Tu plaçais des pions comme sur un jeu d'échec -même si tu n'y as jamais été très bon, en réalité; mais ce jeu-là, ah, tu veux le gagner. Il n'y a pas d'autres options possibles.
Et cette fois-ci, c'est lui qui bouge une pièce -pas un pion, non, plutôt un cavalier, ou un fou, qui sait. Il se dévoile et tu ne sais pas comment prendre ça, en tant que simple affront ou comme une invitation. Dans tous les cas, tu souris, ta langue joues de nouveau avec ta canine comme un tic qui annoncerait que tu aimes bien ce qui se passe. Ce que tu vois. Il n'est pas musclé, pas vraiment; il est plutôt le genre sac d'os, mais les pics que tu vois sortir de sa peau, comme prisonniers, tu trouves que ça lui correspond plutôt bien. Ça semble juste, harmonieux. Et tu ne te gênes pas pour observer, détailler, fouiller jusqu'à trouver le moindre détail de ce que tu savais être une tentation trop lointaine. Il se fout de toi, et ça te fait rire, un vrai petit rire qui sort du fond de la gorge.
« Ça va, t'es pas trop mal. » Ton rire se transforme en sourire quand ta main fait le chemin inverse de ce qu'il avait fait un peu plus tôt. Tu commences par son ventre, ses côtes, puis sa poitrine où tu sens son myocarde battre battre battre. Le tien est stable, lent, profond. Profitant de l'instant, ne le perdant pas en effusion inutiles. Tu remontes encore le long de sa jugulaire pour finir sous son menton, que tu pousses vers le haut. Ton autre main, elle, se pose sur sa hanche et l'attire vers toi d'un coup sec, que tu scelles en passant tes pieds derrière lui. Prisonnier.
« Ce qui est un sacré compliment, venant de moi. » Aller, Matt. Craque.

Sa cage thoracique arrête de se soulever, comme si les os ne voulaient plus en sortir, immobiles, figés, essoufflés, comme si ce qui était dedans cherchait à se contenir à se stopper à arrêter. Mais il ne bronche pas, il reste là, au final, égal à lui-même. Bon acteur, tu devais le reconnaître.
Je n'en veux pas. Menteur, menteur menteur. Tout le monde est avide de compliments, même sans le savoir, même en croyant ne pas en vouloir. C'est les compliments qui nous fait nous décider en quoi on est bon, qui nous aime, quoi penser. L'Homme est avide de compliments, comme l'Alien, et sûrement comme toute espèce capable de s'aimer et de se détester en même temps. Paradoxe.
Je ne craquerai pas. Menteur, menteur menteur. T'as déjà craqué, Matt. Tu l'as laissé s'insinuer, rentrer dans tes os dans ton cerveau; tu l'as laissé s'accrocher comme la sangsue qu'il est, comme le désespéré qu'il a l'air de ne pas être. Il est là, devant toi, mais aussi partout autour et, oh, bien plus important, dans un coin de sa tête. T'as déjà craqué, Matt, parce que t'as pas refusé dès le début, parce que t'es rentré dans le jeu. Dans son jeu.
« J'ai déjà gagné, idiot. »
Il y a de la confiance dans ta voix, mais tu n'es pas hautain, non, on entend juste la vérité éclatante telle que tu l'entends, telle qu'elle est pour toi. Tu y crois, vraiment, mais une petite voix te dit déjà qu'il ne partagera pas ton point de vue. Il n'a qu'à mettre ses bras en l'air s'il le veut, ça ne fera qu'un chemin plus facile jusqu'à son corps. « Je m'appelle Yzir, mais bon, miss monde, c'était pas mal. » Tu souris en même temps que tu te penche sur lui, les mains toujours fixées à ses hanches et tes canines de nouveau sur son cou -ah, ton fétiche du cou. Animal. Mais tu es doux, après tout, tu ne veux pas lui faire mal. Ta langue se rajoute à la danse. On se rapprochait de l'explosion.

Tu continues. Tu ne t'arrêtes pas, bien sûr que non, jamais. Ou peut-être juste pas tout de suite, tu ne sais pas vraiment. Tu n'y réfléchis pas. On ne réfléchit jamais à la fin des bonnes choses.
Tu t'acharnes toujours sur ce bout de peau, entre long lapements et morsure de feu; tu n'a pas besoin de voir son visage pour sentir la cadence de son sang augmenter, la carotide sous tes lèvres, sensibles. Et tu imagines derrière tes yeux clos ce visage rouge encore, comme si la couleur des roses lui allait à ravir, chassant le blanc trop monotone qu'il y avait avant. Comme si tu lui donnais des couleurs.
T'as gagné, tu dis ? Oui oui oui Yzir tu as gagné. Tu l'as juste là, sous tes mains sous tes lippes et sous la voûte de ton corps, tu l'as en ta possession comme un vulgaire objet. Après tout, il n'était pas stipulé dans l'accord qu'il était sensé être d'accord. Tu pouffes en même temps que lui, contre son cou fraîchement marqué. Oh, et puis il y a ce frissonnement, ces signes du corps qui ne trompent pas; comme s'ils criaient qu'il en avait assez de faire semblant. Ça ressemblait à des encouragement à tes oreilles, des sollicitations qui disaient encore sous tes doigts. Peut-être que tu te trompais. Mais qu'importe, tu n'avais pas l'intention de faire machine arrière, maintenant.
« Et regardes qui se laisse faire. » Tu recules ta tête, comme un vampire repus, passant sa langue sur tes lèvres comme pour aspirer le dernier goût de sa peau salée. « Ce serait encore mieux si tu te laissais aller, mais bon. Je peux faire ça toute la nuit. » Et même plus. Plus plus plus toujours plus. Et s'il souriait, tu gagnais, Howl. Parce qu'il ne te déteste pas, finalement.